Je me souviens de la venue de Fritz Lang à Paris en 1965
C’est en retrouvant une photographie de la villa Malaparte à Capri sur les marches de laquelle flotte depuis 1963 le souvenir des
acteurs du « Mépris » : Brigitte Bardot, Michel Piccoli,
Jack Palance et Fritz Lang, que le visage au monocle du grand cinéaste est venu
me hanter de nouveau.
Il figurait déjà dans les armoires de ma mémoire comme
un double héritage familial, un héritage d’adolescence.
Mon père avait découvert « Metropolis »
quelques années après être arrivé à Paris et avoir intégré l’école Estienne
pour y apprendre le dessin lithographique. J’ai ainsi retrouvé quelques dessins
de l’androïde du film, intercalés entre des exercices, dont l’influence graphique
« Arts Décos » s’exerçait depuis l’Exposition internationale " des arts décoratifs et industriels modernes » de 1925 qu’il avait visitée à l’âge de treize ans et
celle de l’Exposition coloniale qui s’est tenue quelques années après son entrée à
Estienne.
Et c’est avec ma mère,
que j’ai suivi durant mes dernières années lycée, la rétrospective des films
muets que le Goethe Institut avait organisée dans la salle de projection du
Musée des Arts Décoratifs.
Friedrich Wilhelm Murnau et la silhouette inquiétante de Nosferatu, Georg Wilhelm Pabst et Fritz Lang rejoignent ainsi dans ma mémoire
d’autres rétrospectives organisées à Asnières au cinéma Alcazar par l’extraordinaire
Jean Lescure, un cinéma dont il avait hérité de ses parents.
Ses amitiés professionnelles dans tous les domaines de la culture lui
permettaient, en dehors des rétrospectives comme celle d’Ingmar Bergman, d’inviter
dans le ciné-club du lundi soir, tous ses amis metteurs en scène, du « jeune »
documentariste Frédéric Rossif, né en 1931, venu présenter « Mourir à
Madrid », au « mythique » Abel Gance, né en 1889,
venant présenter la première de l’un de ses derniers films « Cyrano et
d’Artagnan ».
On comprendra donc pourquoi un hasard heureux m’avait conduit un midi de 1965, entre deux cours universitaires, dans une rue du quartier latin où l’UNEF organisait la présentation de la version restaurée du film de Fritz Lang « Les espions - Spione - Spies ».
Grâce à ma carte d’étudiant, j’ai pu rentrer dans
la salle, sans autre contrôle.
Juste avant la projection, le cinéaste est entré, semblable à la figure
qui, deux ans plus tôt, regardait Brigitte Bardot, de son œil qui semblait acéré par un monocle
quasi constitutif. La contemplant comme un étrange animal, avec un
mélange de distance et d’intérêt, dans le film de Jean-Luc Godard " Le Mépris ", adapté du roman d'Alberto Moravia.
Je me souviens de sa gentillesse et de son attention vis-à-vis des étudiants qui l’attendaient, comme un dieu descendu sur terre ou un fantôme du passé, et ont découvert un représentant, toujours jeune, du cinéma incarné.
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